Portrait

Portrait de Mélisande LE CORRE / Psychomotricité & Psychatrie adulte en UHSA

Cela fait plus de 10 ans que Mélisande exerce auprès d’adultes atteints de troubles psychiatriques. Pour elle, c’est une évidence, avant même de commencer ses études en psychomotricité. Au cours de sa formation, elle s’est intéressée à l’addictologie, réalise un mémoire dans le cadre d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale accueillant des personnes en situation de prostitution ou de transidentité. Puis, afin de compléter son parcours, s’est formée avec un DU (Diplôme universitaire) en psychiatrie et compétences transculturelles. Les parcours de vies difficiles et précaires l’ont finalement dirigée vers une UHSA à Villejuif. L’Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (UHSA) est un espace situé au sein d’un établissement public de santé prenant en charge des personnes détenues necessitant des soins psychiatriques en hospitalisation complète. 

« Les détenus sont généralement hospitalisés lorsqu’ils décompensent et qu’ils ne parviennent plus à vivre sur les espaces de vie (troubles du comportement, agitation motrice, crise suicidaire, etc.). »

Au sein de cette unité, le travail pluriprofessionnel est au cœur des soins au long cours. Leur objectif principal est de stabiliser ces jeunes adultes et adultes détenus. Les incarcérations sont souvent liées à une construction psychique carencée, parfois due à des traumatismes psychiques et/ou corporels. Ces personnes ont souvent une histoire de vie chaotique, précaire sur plusieurs plans et/ou sont passées entre les mailles du filet des soins. Lorsqu’ils arrivent à l’UHSA, l’occasion leur est donnée de recevoir des soins pluridisciplinaires.  Le psychomotricien en psychiatrie adulte peut intervenir lorsque « cela ne va pas » dans la tête du patient et que le corps exprime ces troubles. Ce dernier occupe une place centrale dans les prises en soins.

Pour donner suite à l’indication du médecin, Mélisande réalise une première rencontre composée d’un bilan psychomoteur axé majoritairement sur les notions d’enveloppes psychocorporelles, de tonus, de sensorialité, d’organisation du mouvement, d’espace, de temps, etc. Ainsi, le projet thérapeutique est défini, en donnant les modalités de soins et les moyens utilisés. Les séances peuvent être individuelles ou groupales. L’organisation d’une prise en soin en psychomotricité reste la même que celle d’un autre psychomotricien. Seules les contraintes institutionnelles (telle qu’une protection physique des équipes ou les questions judiciaires), et les contraintes de temps et d’espaces diffèrent d’un établissement classique. 

Lors du développement d’un exemple de ses axes thérapeutiques, Mélisande présente l’accompagnement d’un de ses patients : dans un premier temps de rencontre, elle crée une relation, un lien thérapeute-patient. Puis, aborde le toucher thérapeutique. À la suite du bilan, elle propose une aide au diagnostic. Elle observe une carence affective extrême, et des acquisitions du développement psychomoteur très déficitaires. Afin d’aider le patient à se réapproprier son corps elle réalise un travail d’ancrage, en renforçant les équilibres et les appuis dans une dimension sensorimotrice. Puis, soutient la conscience corporelle en apportant une perception des schèmes moteurs en passant par le mouvement et en travaillant les chaînes musculaires. Au fur et à mesure des séances, l’impulsivité et l’agitation motrice du patient diminuent. Il peut rejoindre un groupe afin d’améliorer son rapport à l’autre dans les relations. À la suite de chaque séance, individuelle ou groupale, un temps de verbalisation des sensations et émotions est réalisé. L’objectif est de permettre une élaboration et une représentation de son vécu émotionnel (présent ou passé), afin d’être autonome dans ses gestions des émotions futures. 

Lorsque le temps d’hospitalisation se termine, les patients retournent chez eux, sur leur secteur de psychiatrie ou en détention. Il se peut qu’ils ne reviennent jamais, ou reviennent quelques mois ou années après. Le suivi s’inscrit ainsi différemment pour chacun. 

Avant de se lancer auprès de cette population, Mélisande conseille de lever toute fascination pour l’univers carcéral et de comprendre les raisons qui vous animent pour travailler avec ces personnes.  Bien évidemment, il semble important d’être armés à accueillir, écouter et accompagner des personnes qui ont subi et/ou qui ont commis des actes d’une extrême violence, qu’elles soient physiques ou psychiques.

Pour aller plus loin sur le sujet, Mélisande contribue à la littérature de la psychomotricité en psychiatrie adulte, puisqu’elle a déjà écrit plusieurs articles sur le sujet.

Récemment, elle a codirigé la rédaction de l’ouvrage La psychomotricité en psychiatrie adulte, sorti en août 2022 aux éditions De Boeck Supérieur. 

Si vous souhaitez approfondir vos connaissances et votre intérêt, voici quelques conseils bibliographiques donnés par Mélisande : L’espace de l’enfermement : la psychomotricité en milieu carcéral de Catherine Oulanier-Zanette. Le corps du détenu : Etudes psychopathologiques de l’homme en situation carcérale de Jérômé Englebert.

 

Chaque jour, les psychomotriciens font bouger les lignes de la santé, à tous les âges de la vie.